El Hadj Mamadou Diao, Responsable Apr de Kolda : «nous devons adopter une démarche modeste»

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mameboye diao

Après ce qui est considéré comme un reniement, Macky Sall et ses partisans s’apprêtent à affronter les Sénégalais le 20 mars prochain. Mais, pour El Hadji Mamadou Diao, Macky Sall ne court aucun risque. C’est pourquoi ce responsable de l’Apr à Kolda, demande aux  apéristes  d’adopter une démarche modeste, d’aller expliquer aux populations sénégalaises que, de façon constante, le Président Sall a voulu respecter sa parole.

Walf Quotidien :La décision du Président Macky Sall  fait couler beaucoup d’encre et de salive. Beaucoup estiment qu’il s’agit d’un reniement de la parole donnée. N’ont-ils pas raison ? 

 
El Hadji Mameboye DIAO : Beaucoup de Sénégalais n’ont pu remarquer le choix courageux du président de la République de s’approprier la décision du Conseil constitutionnel. Dans d’autres circonstances, un Président aurait pu soumettre la décision ou l’avis pris par le Conseil constitutionnel et laisser cette structure subir les foudres des populations sénégalaises en termes d’affection ou de désamour. Il s’en est approprié parce qu’il a été à la base de cette consultation. De la même manière qu’il a été celui qui a consulté le président de l’Assemblée nationale.
C’est sur la base de cet avis qu’il a choisi, de son propre chef, de d’adresser aux Sénégalais et de s’approprier les conséquences de cette décision. C’est un exercice qui était très délicat parce que si colère il devait y avoir, il serait le seul à subir les conséquences en lieu et place du Conseil constitutionnel. Je ne pense pas, un seul instant, qu’il y ait eu reniement dans la parole donnée. Il y a eu une impossibilité qui s’est heurtée au corpus juridique de notre pays.
Depuis qu’il été élu, le président de la République, de façon constante, a toujours dit et maintenu son choix résolu de réformer le corps constitutionnel de notre pays et de s’appliquer le processus de réforme relatif à son propre mandat. Ce qui est dommage, c’est que sa volonté et son choix n’ont pas trouvé l’aval de l’instance de régulation qu’est le Conseil constitutionnel.
Pourquoi avoir mis tout ce temps pour en arriver à cette décision qui a surpris beaucoup d’observateurs ? 
Lorsque le Président Sall accédait au pouvoir, le pays se trouvait dans d’autres priorités qu’une réforme constitutionnelle. Notre pays sortait d’une gestion calamiteuse où les rapports entre les autorités politiques et les deniers publics étaient tellement désacralisés. La première urgence voulue par les Sénégalais était la reddition des comptes. Notre pays avait d’autres urgences qui avaient trait à la question des inondations…
De façon normale et légitime, le choix du Président Macky Sall et de son gouvernement fut de poser des actes d’une politique de solidarité nationale, d’un redressement de nos finances publiques et d’une vision à moyen et long terme décliné à travers le Pse. C’était cela les priorités. Notre pays connaissait également d’autres inégalités phares qui devaient être rectifiées et qui ont valu à ce que l’on mette en place le Pudc et d’autres programmes. Aujourd’hui, on parle de moins en moins d’inondation dans la ville ou banlieue dakaroise. Il y a de moins en moins de famines dans le monde rural. Les foyers connaissent de moins en moins de délestages. Voilà les problématiques qui étaient en face de lui  lorsqu’il venait au pouvoir.
Même si elles ne sont pas antinomiques de la question de la réforme constitutionnelle, ces questions étaient importantes. Il faudrait  comprendre que lorsque le Président Sall arrivait au pouvoir, il y avait les assisards qui avaient réfléchi sur un mode de constitution sans tenir compte de la majorité des Sénégalais. Le Président Macky Sall avait sa propre vision dans le Plan Yonu Yokute. Il fallait qu’on mette légitimement une instance qui puisse prendre les aspirations du peuple sénégalais. Or ce qui a fait sortir les Sénégalais en 2012 et qui nous a valu les évènements du 23 juin, c’était le tripatouillage constant de la Constitution.
Mais, sur des questions aussi importantes que le mandat, autant dans sa durée que son renouvellement, ces demandes ont été prises en compte dans la forme qui a été proposée pour le référendum du 20 mars. Dans ce choix, la précipitation n’était pas bonne. Ceux qui s’étaient précipités pour présenter une Constitution, en 2001, l’ont tellement modifiée que le concept de tripatouillage est entré dans le vocabulaire ou le jargon sénégalais. Ce tripatouillage avait amené le peuple à se soulever pour être le garant de la Constitution sénégalaise.   La parole du président de la République ne peut pas être supérieure au serment qu’il a prêté de respecter et de faire respecter les lois de ce pays. Cette promesse n’est également pas supérieure à l’architecture juridique de notre pays. Son choix de vouloir réduire son mandat pouvait se heurter à la réalité juridique de notre pays.
Le débat est en train d’être biaisé. Il y a eu un moment où tous ces experts juridiques et politiques voulaient amener le débat en disant que le Conseil constitutionnel pouvait légitiment dire que la réduction du mandat pouvait s’appliquer. Lorsqu’ils ont su que le Président a choisi la voie qu’il fallait, c’est-à-dire la saisine préalable du Conseil constitutionnel et de l’Assemblée national, ils ont compris que le droit allait être dit. Ils ont fait un glissement sémantique pour dire que le Conseil a été saisi pour donner un avis et que cet avis pouvait ne pas être pris en compte par le Président Sall dans sa décision.
Il y a de l’hypocrisie dans les débats politiques. On n’a pas entendu de constitutionnalistes disséquer depuis que le Conseil constitutionnel a rendu sa décision. On n’a pas entendu de constitutionnaliste dire qu’il y a incohérence ou illégalité dans la décision rendue par le Conseil constitutionnel. Ils parlent plutôt de l’effet de la décision. Voilà comment le débat politique peut être pollué à tout instant par de nouvelles pistes de dialogue ou de polémiques concrètes. On veut même présumer que le Président va se présenter en 2024. C’est une absurdité. Cette question a déjà été réglée dans le projet de réforme.
 
Cela ne risque-t-il pas d’avoir  des conséquences néfastes sur l’avenir politique du Président Macky Sall ?
Cela peut avoir un impact négatif si nous autres qui le soutenons ne prenons pas cette démarche modeste d’aller expliquer aux populations sénégalaise que, de façon constante, le Président Sall a voulu respecter sa parole. Mais, que l’instance judiciaire suprême a dit stop à ce projet de réforme constitutionnelle. C’est sur la base de cela qu’on  a proposé le reste des réformes qui sont consolidantes pour notre démocratie. Si nous avons cette démarche explicative auprès des populations, nous n’aurons  aucun risque politique dans ce choix.
Apres ce qu’on qualifie de reniement, ne pensez vous pas que l’Apr aura un  problème de discours avec les élections législatives qui pointent à l’horizon ?
Il n’y a jamais eu de reniement du président de la République. En 2011, lorsqu’il y a eu le débat sur la possibilité d’une candidature de Me Wade, le Président Macky Sall, alors candidat, a eu une posture légaliste. Il avait dit : «Attendons la décision du Conseil constitutionnel.» Lorsque ledit Conseil s’est décidé, il s’est résolument décidé à aller battre campagne parce qu’il considérait l’autorité de la chose jugée et que l’urgence était de battre campagne afin de soumettre un projet de société. C’est sur la base de cette démarche et de ce projet de gouvernance qu’il a été élu. S’il doit être jugé pour qu’on lui accorde une majorité aux élections législatives, il faudra trouver d’autres arguments pour pouvoir gagner.
Ce qui va être jugé, c’est l’action de tous les jours pour réduire les souffrances des Sénégalais, les inégalités sociales et pour mettre notre pays sur la rampe du développement. Les opposants fuient le débat sur les aspects des performances économiques, sur la gestion de notre Etat. Le choix des Sénégalais ne se fera pas sur la base du mandat de 5 ou 7 ans parce que le président de la République a donné la preuve de sa bonne foi par son engagement constant à réduire son mandat. Le meilleur plan pour l’opposition, c’est de présenter un programme alternatif.
 
Ne pensez vous pas que votre défi majeur sera le taux de participation au référendum ?
Le peuple est le seul arbitre. Il faudrait aussi qu’ils (les opposantsNdlr) aient un mot d’ordre cohérent. Il y a certains qui optent pour le boycott, d’autres qui votent «non». Ils doivent avoir un mot d’ordre pour que, au finish, on puisse les analyser à l’aune de la victoire du «oui» ou du «non». Que les experts puissent savoir si les Sénégalais se sont appropriés de cette question de réforme institutionnelle. J’aurais aimé qu’ils aient un mot d’ordre cohérent et que le front du refus du mouvement Y en a marre soit le front du refus de la Constitution. Je ne comprends plus leur démarche.
Ce sont des jeunes qui s’étaient battus et avait mis sur leur T-shirt  «Ne touche pas à ma constitution !». Ils se battaient contre les violations de la Constitution, ils se battaient pour le respect de nos institutions. Quel sera leur mot d’ordre ? Les analyses politiques ont montré que, dans beaucoup de pays, les référendums mobilisent difficilement l’électorat. D’où un appel à tous les Sénégalais qui pensent qu’on doit consolider notre démocratie à s’imprégner du projet qui va être soumis dans lequel les candidatures indépendantes vont être possible…
Ceux qui sont imbus de la citoyenneté s’imprègnent du texte qui a va leur être proposé. Nous autres membres de la mouvance présidentielle, nous soutenons ce projet de réforme. Notre défi sera de le défendre au niveau des populations, d’expliquer le projet de réforme, l’avancée que ce projet de réforme apportera en terme de démocratie… Que les partisans du «Non» battent également campagne. L’on saura qui est qui.
 «On veut présumer que le Président va se présenter en 2024. C’est une absurdité. Cette question a déjà été réglée dans le projet de réforme.»
 
D’aucuns estiment qu’il n’est pas question de dépenser des milliards dans l’organisation du Référendum alors qu’on pouvait faire passer  ce projet de réforme constitutionnelle par l’Assemblée nationale…
Si on passait par l’Assemblée nationale où la coalition Bby est majoritaire, on pourrait avoir un problème plus difficile que celui-ci. Le peuple a été saisi et ce même peuple peut lui donner son onction. Si le président de la République avait saisi l’Assemblée nationale et que cette institution dise «oui», on allait assister à une rétroactivité au nom de la loi. La voie la plus sage était celle de la saisine du Conseil constitutionnel et de l’Assemblée nationale  avant de soumettre au peuple ce référendum.
Dans les motivations de son appel au boycott, le Pds évoque l’absence de concertation
Le Pds aurait dû s’appliquer ce qu’il est en train de dire. Lors de la réforme constitutionnelle de 2001, le Pds a utilisé le même procédé. Le Président Wade avait saisi le Conseil constitutionnel pour avis. C’est sur la base de l’avis du Conseil constitutionnel qu’il a pris un décret pour appeler au référendum. Malgré tout cela, c’est ce même Pds qui a osé, après un référendum, introduire une réforme parlementaire pour changer la durée du mandat.
C’est ce même Pds qui a voulu instaurer d’autres  postes dans l’architecture institutionnelle de notre pays. Des postes comme la vice-présidence alors qu’on savait qu’il s’agissait d’une dévolution monarchique du pouvoir. Ce parti est aujourd’hui disqualifié pour parler de manque de concertation. Dès qu’on a parlé de concertation, le Pds avait récusé une quelconque discussion politique sur cette question. C’est de voir si les réformes qui ont été proposées répondent aux aspirations du peuple sénégalais.
N’avez-vous pas l’impression d’être un peu seul dans ce débat  puisque tous les mouvements de la société civile se sont démarqués du Président Sall?
Ces mouvements (Société civile et autres) ne prennent pas en compte les éléments factuels qui permettent de prendre une décision. Ils font de l’héroïsme politique. C’est de la manipulation politicienne. Ils sont en train de leurrer les Sénégalais en amenant le débat autour de l’engagement moral du président de la République. Le débat est en train d’être biaisé par des arguments qui retardent le Sénégal. Ce qui nous importe, c’est d’avoir un socle institutionnel fort, un pouvoir judiciaire fort.
Et si le «Non» l’emportait, quelle serait la réaction du parti au pouvoir ?
C’est une utopie politique que le «non» l’emporte. Les instruments de mesure sont là. S’ils veulent, ils n’ont qu’à venir se jauger. Ce qui est proposé aux Sénégalais est une révolution qui sécurise de façon durable les institutions de notre pays et la Constitution de notre pays. Les Sénégalais sont assez imprégnés pour pouvoir prendre les bonnes décisions.
Comment allez-vous redorer votre blason  avec  cette tâche noire sur le parcours du Président Macky Sall ?
Nous n’avons pas besoin de redorer le blason du parcours du président de la République parce que nous n’avons pas vu une hésitation dans ses choix et dans sa parole donnée de vouloir se conformer à la promesse qu’il avait faite aux Sénégalais. L’homme s’est heurté à la dure réalité du droit. C’est un homme qui ne veut pas être pris en faute. C’est plutôt un message d’encouragement qu’on doit adresser au Président pour lui faire comprendre que son vœu s’est confronté à la réalité du corpus juridique.
 Propos recueillis par
Georges Nesta DIOP & Magib GAYE